Programmation

28 mars — 27 avril 2024

Maggy Hamel-Metsos

Vues de la plaine

L'exposition « Vues de la Plaine » de Maggy Hamel-Metsos se veut un exercice d’introspection. C’est contempler, au moyen de reproductions de dessins d’archives, à travers les yeux d'autrui.

Née de la volonté de l’artiste de capter et de saisir différentes perspectives, cette démarche témoigne de la nature plurielle et paradoxale de la vision humaine. Au sein de cette intervention in situ, chaque dessin, chaque image, nous conduit vers un monde intérieur unique, façonné par les expériences individuelles et les interprétations subjectives. En observant ces reproductions, nous sommes confrontés à la question fondamentale de la représentation : jusqu’à quel point pouvons-nous réellement saisir l’univers intrinsèque d’une personne, d’un objet ou d’un lieu?

Reconfigurant la circulation à l’intérieur de la GNO, un cubicule installé à l’entrée bloque l’accès à la salle d’exposition. Les visiteurs sont invités à se rendre sur la mezzanine afin de contempler les œuvres. Deux télescopes aménagés à l’étage révèlent la complexité de celles-ci : au mur, une série de dessins et au sol, un plan dessiné à la craie rouge. 

Metsos nous présente deux documents d’archives distincts, métaphoriquement des fenêtres sur des mondes intérieurs inaccessibles. Le premier, un portrait du père de l’artiste dessiné par sa mère, dépeint une vision intime et personnelle d’un être cher. Enfant, l’artiste pratiquait le dessin d’observation avec sa mère. À la suite d’une séance, elle lui montra un portrait qu’elle avait fait de son mari. Metsos fût émerveillée à la vue de ce dessin, c’était pour elle la représentation de l’amour pur. Cette image a marqué l’artiste, jusqu’au jour où, revoyant ce dessin, ses sentiments initiaux furent ébranlés. Qu’était-il advenu de l’affection qu’elle portait tant à celui-ci? La série de portraits est ponctuée d’une alternance de dessins de pommes, créant une composition qui évoque la nature fugace de la mémoire. 

Le second, tiré du Codex Sangallensis 1092, détaille le plan architectural d’un monastère idéal, représentation rêvée qui ne s’est jamais concrétisée dans le monde matériel. Ce plan, conçu comme un village autosuffisant, devait avant tout permettre aux moines qui l’auraient habité de se consacrer à Dieu, sans devoir quitter l’Abbaye. Agissant comme un concept, il nous invite néanmoins à réfléchir sur les aspirations humaines et sur la manière dont nous envisageons et construisons nos environnements physiques et symboliques.

Cette juxtaposition met en évidence le décalage entre l’individu et le monde qui l’entoure, entre la vision personnelle et la réalité collective. En reproduisant ces dessins, Metsos nous invite à réfléchir à la nature de la perception et à l’impossibilité de partager réellement les sentiments de l’autre. En montrant le fossé infranchissable entre soi et l’autre, elle nous rappelle que même en proximité, nous restons toujours partiellement éloignés du monde intérieur de l’autre. 

Mettant en parallèle ces deux visions – l’une intime et personnelle, l’autre abstraite et universelle, « Vues de la Plaine » résonne comme un palais de la mémoire, où les réminiscences du passé se mêlent à notre réalité présente. Dans cet espace de réflexion et de contemplation, nous sommes appelés à reconnaître la fragilité de nos souvenirs, la fluidité de notre perception et l’éternelle dualité entre l’individu et le monde qui l’entoure. Chaque personne porte en elle une multitude de perspectives et de désirs. C’est dans la confrontation de ces différentes réalités que se trouve la richesse de notre compréhension de la société.

Philippe Bourdeau, Mars 2024

Maggy Hamel-Metsos

Maggy Hamel Metsos est une artiste en début de carrière établie à Montréal. Travaillant principalement dans une optique sculpturale, la pratique de Metsos est une négociation entre le singulier (le personnel) et le commun (le culturel). Elle s’intéresse aux mécanismes de réduction, d’expansion et d’abstraction présents dans le language. Alors qu’elle mobilise le mot écrit dans sa pratique, elle fait usage de ces mêmes stratégies langagières dans ses propositions matérielles. Ses oeuvres ont été exposées et collectées au Canada, en Allemagne et aux États-Unis. Caretakers, sa première exposition solo chez Eli Kerr a été suivie par une seconde exposition solo intitulée Whole Wide World. Ses expositions récentes comprennent O.W.M.B/ Shell 1 à Joe Project, Montréal, Life’s Marching Band à Pumice Raft, Toronto et My Whole World à Baader Meinhof (Omaha). Elle est la lauréate du Saunderson Prize, du BMO 1st Art Award et du programme d’ateliers Montréalais 2023-2026 de la Fonderie Darling.

Profil de l'artiste