Programmation

Exposition

Commissaire : Marie-Jeanne Musiol


Une exposition qui regroupe les œuvres de quatre artistes franco-ontarien.ne.s. Quatre artistes utilisent la série qui allie motifs et propos pour développer leur sujet. Que ce soit à travers la répétition de la matière, du format ou de l’image, ils ont recours à une convention conceptuelle bien établie mais toujours susceptible d’engendrer des transformations. Répéter pour dire, examiner sous plusieurs angles, prolonger le regard, la séduction de la série opère comme un mantra visuel.

À priori, les quatre artistes exposés ici n’ont pas grand-chose en commun. Leurs propos recouvrent des préoccupations éclectiques allant des questions d’identité liées au port du tchador (Shahla Bahrami) aux contradictions entre divers lieux possibles de la parole (Paul Walty), en passant par la représentation des manifestations de phénomènes atmosphériques (Nathalie Lavoie) et la construction sculpturale avec des os (La Gaan). Bien que les propos des artistes et leurs matériaux-véhicules diffèrent, chacune des œuvres présentées recourt néanmoins à l’artifice de la répétition et au déploiement sériel de l’objet pour s’installer dans l’espace.

La réitération, la combinatoire d’éléments identiques ou avec de légères variantes tiennent depuis les années soixante une place incontournable dans les arts visuels. Que ce soit avec Andy Warhol, le maître du même dans le multiple, ou plus près de nous avec l’artiste torontois Tom Dean dont une des œuvres emblématiques déploie des figurines de poupons noirs qui prolifèrent au sol comme des clones, la convention de la série avec son effet de multiplication continue de fasciner les artistes. Elle permet de signifier que l’œuvre est ouverte aux transformations, au hasard et aux logiques non-linéaires, échappant ainsi à l’arbitraire du sens unique; mais elle signale aussi dans l’œuvre un retour à la narration avec une histoire qui se déploie et se construit dans le temps.

Lorsque Paul Walty utilise l’ordinateur pour multiplier les variations graphiques des situations qu’il développe, il a recours à un outil technologique qui engendre les possibilités de façon exponentielle. Comme artiste, il lui incombe de resserrer et de fixer quelques-unes de ces possibilités qui prennent alors la forme d’un quadrillage au message pessimiste : «J’en perds la parole.»

L’immense foule aux visages voilée de Shahla Bahrami suscite la crainte, parce qu’elle se répète sans fin dans une succession d’images presque semblables, mais pas tout à fait. Le même, incarné dans ces silhouettes similaires masquées par le tchador, se décompose à la longue en particularités. Le prévisible devient soudain moins certain lorsque nous sommes confrontés à la personne qui se cache sous le masque.

Les phénomènes atmosphériques saisis par Nathalie Lavoie dans quelques-uns de leurs nombreux états se décomposent et se recomposent à l’infini. L’histoire de l’univers livré aux aléas d’événements cosmiques n’est pas qu’une suite d’accidents et d’incohérences. Elle s’écrit avec ce que nous pouvons en observer et l’explication devient possible quand le scientifique ou l’artiste extraient des moments de la manifestation pour l’examiner.

L’assemblage méticuleux d’ossements entrepris par LaGaan selon les exigences de la forme et l’alliage des matériaux structurants s’apparente à la répétition sérielle que l’on retrouve en musique. Un même motif, constant mais soumis à des variations, repris de façon toujours différente et tenu par une trame, se développe et trouve sa place dans une architecture d’ensemble.

Le désir de s’attacher à la référence connue, à la matrice originelle et de s’en distancer dans un même geste artistique pour aller vers des engendrements nouveaux, saisit bien la problématique des origines et de l’inévitable transformation. Répéter pour atteindre le sens, multiplier les possibilités et les générations d’images pour toucher ce qui échappe à la série et ses variations opèrent comme un mantra visuel.

—Marie-Jeanne Musiol


Shahla Bahrami

Le travail de Shahla Bahrami trouve sa source dans le tchador. Vêtement en forme de demi-cercle, le tchador est porté par les femmes musulmanes pour cacher leurs cheveux et leur corps. Aujourd'hui, ce vêtement est à la fois une réponse aux obligations religieuses et un symbole de résistance à l'envahissement de la culture occidentale. Ce qui peut surprendre, c’est que malgré sa puissante valeur religieuse et culturelle, cet habit n'apparaît que très rarement en arts islamiques. Après quatorze siècles sous l'influence de l'Islam, l'image des femmes musulmanes, en peinture, demeure la même. Intacte. Cette continuité picturale, qui ne porte pas le mouvement de la société durant cette période, est considérable. Les Égyptiens en font autant : ils continuent de peindre sur le papyrus les servantes des pharaons et en miniature persane, les femmes vêtues de couleurs vives. Ces démarches et productions artistiques refusent de capter l’essence et l'image réelle des femmes musulmanes dans la société actuelle.

Profil de l'artiste

LaGaan

LaGaan vit et travaille à Bromont, dans les Cantons-de-l'Est. Elle a plus de 30 années d'engagement face à son art. Elle se consacre aux assemblages complexes d'os ou de fers à cheval d'où lui provient l'idée de création. De la réunion de ces matériaux, organiques et synthétiques, jaillit une sculpture abstraite dans la forme mais d'inspiration végétale fantastique ou astrale.

Profil de l'artiste

Paul Walty

Paul Walty est un artiste visuel canadien basé à Toronto et qui est actif depuis 1980. En grande partie, le dessin est son médium de prédilection. Son inspiration vient souvent de la langue parlante ou écrite en français et en anglais.

Profil de l'artiste
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