Vernissage : le vendredi 14 juin 2013, à 17h
Commissaire invité : David Liss
En 2011 et 2012, au cours de récents voyages à Cape Dorset dans l’Arctique canadien, l’artiste-vidéaste torontois John Price a utilisé la vidéo et le film comme un hublot à travers lequel il épia le paysage et les conditions de vie de communautés qui demeurent peu familiers pour la plupart d’entre nous. Bien que spectaculaire au plan géographique, d’une importance historique et d’une richesse culturelle, on ne considère pas nécessairement l’Arctique comme une destination touristique de choix. Perçu de loin, l’impression imaginée du Grand Nord reste tout de même étrangement fascinante. Suite à ses visites, Price est devenu intrigué par le lieu et les gens qui l’habitent.
Notons que Price considère The Sacred & The Profane #1-5 comme étant des films documentaires alors que ces quatre vidéos, et un film de 16 mm, ne suivent aucune des conventions habituellement associées avec le genre. Elles contiennent peu ou pas de dialogue et il n’y pas de « têtes parlantes » livrant leurs opinions. On ne s’attend pas à ce que le spectateur adopte une prise de position sur un sujet particulier, d’autant plus que d’identifier le point de vue du réalisateur sur un quelconque sujet serait impossible et sans aucune pertinence. Nous sommes tout simplement invités à faire comme l’artiste et observer silencieusement certains aspects du paysage et de la vie quotidienne de ce coin de la planète. Les séquences que présente Price consistent principalement de plans statiques : des compositions neutres tels les décors au théâtre à travers lesquels les protagonistes entrent, s’attardent ou quittent. Le décor encadre rues désertes, édifices variés et phénomènes naturels tels des paysages, des nuages, la clarté et l’obscurité. S’écartant momentanément du format, Price interagit avec un groupe d’enfants le temps d’une scène et, dans une autre, place sa caméra dans un chariot d’épicerie, le promenant dans un marché.
Ses vignettes sont plus expérientielles et poétiques que ce dont on s’attend des films documentaires typiques et didactiques. Le plan de la caméra, surtout immobile, va aussi à l’encontre de la tendance actuelle de la caméra portative et le montage en coupes franches et rapides mettant l’accent sur le mouvement ou exagérant l’action afin d’évoquer une immédiateté et une spontanéité illusoires. Son approche est antithétique aux conventions du cinéma populaire et la transmission de l’information par des moyens facilement assimilables. Il n’y a aucun moment révélateur, aucune narration perceptible, aucune trame sonore ajoutée, aucun début, milieu ou fin définitifs à ces « histoires ». En effet, le temps étant relatif, celui-ci se déroule différemment dans le Nord que dans notre environnement de plus en plus urbanisé et au rythme accéléré de notre époque tant axée sur la technologie. Par l’entremise de la texture, l’environnement sonore existant, la structure compositionnelle, le mouvement et le rythme en temps réel et l’observation sans contraintes, Price révèle un aspect du véritable caractère et de l’essence même du lieu : quelque chose d’inexplicable et d’émouvant à propos des forces « sacrées » de la nature qui gouvernent tellement la survie de l’humanité « profane » au milieu des rudes conditions du Nord.
Autant ces œuvres portent sur le Nord, elles rappellent aussi tout ce qui est perdu en résultat de l’empressement et l’avidité du luxe de la vie moderne. Si, de prime abord, le rythme de ces vidéos semble intolérablement lent en contraste avec nos attentes vers l’image en mouvement, le visionnement nous saisit davantage lorsqu’on s’aperçoit que notre perception devient plus ciblée, aiguisée, plus active que passive, plus à l’affût du détail. Notre intérêt est soutenu de façon constante au lieu d’être incessamment stimulé. Si les documentaires The Sacred & The Profane de Price demandent quelque chose de nous, c’est que nous prenions le temps de regarder, de voir, de percevoir plus astucieusement et de chercher une compréhension plus profonde de tout ce qui nous entoure, que ça soit dans le Nord ou ailleurs.
—David Liss, Directeur artistique et commissaire, MOCA Toronto
Commanditaires
John Price
John Price est un cinéaste indépendant. Depuis 1986, il produit des films documentaires expérimentaux, des films de danse et des films de journal intime. Son amour de la photographie analogique l’amène naturellement à de profondes expérimentations alchimiques avec une vaste gamme d’émulsions de film cinématographique et de formats de caméra. Une caractéristique clé de son travail, son engagement avec ces matériaux met en évidence la façon dont la texture d’une image communique son sous-texte.
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