Vernissage : le mardi 10 septembre 2013, à 17h
L’inexprimé de l’œuvre laisse à découvert la limite de nombreux discours sur l’art et la création. Quant aux commentaires de l’artiste sur le sens de son travail ou de sa recherche, tout aussi pertinents qu’ils soient, ceux-ci n’échappent point à l’imprévisible parcours (démarche, etc.) de toute activité de création.
Or, sous réserve de ces quelques considérations, sûrement approximatives, que pourrais-je dire de ma propre démarche, et ce évidemment sans me laisser choir dans l’auto-gratification et la complaisance du miroir ?
Disons, dare-dare, que, comme toute personne qui se consacre au travail artistique à temps complet, ma vie y passe le plus clair de son temps. C’est-à-dire que j’y suis à mon temps, à mon lieu, à mon histoire, à mes migrations, dans mon corps et dans mon esprit. J’y sens la tranquille respiration de mes trouvailles et de mes échecs dans la matière, tout aussi humble soit-elle.
Ce qui m’amène à l’utilisation abondante de matériaux mixtes : plumes, boas, pompons, broche à poule, coton à fromage (étamine), peinture acrylique, bouts de bois, cocottes, ficelles, cure-pipes colorés, papiers, cartons, etc., avec toujours une prédilection pour les couleurs vives (bleu, rouge, jaune, serties dans des taches de blanc). Toute matière travaillée, pour y insuffler une forme, avec ou au-delà de tout effet esthétique. C’est comme si je voyais à hauteur de création.
Revenons pour quelques instants à la forme. Génératrice du voir, dans tout travail de création, la forme, de l’avis de nombreux auteurs, donne cohérence au processus de création et à l’œuvre (objet artistique). C’est cette même forme qui détermine la singularité du travail de l’artiste qui exulte au cœur de sa démarche. Quoique jamais achevée, la forme est beaucoup plus qu’elle-même dans toute activité de création qui nous ouvre aux possibilités multiples de la forme. Ce qui fait que de plus en plus, en création, le spectateur est appelé à interagir avec l’œuvre, participant au processus de création, devenant « créateur » à son tour.
La forme de mon agir, de mon « faire artistique », est nécessairement militante puisque j’ai toujours refusé tout mot d’ordre, toute logomachie, entourant la création. Je suis, nous sommes, en création, toujours en phase de changements, de mutations profondes, et de remises en question fondamentales, qui nous entraînent dans un mode de pensée allant de pair avec la liberté, celle-là même que nous défendons quand nous ouvrons toutes grandes les vannes de l’indignation et de la colère.
—Pierre Raphaël Pelletier, Embrun 2013
Commanditaire
Pierre Raphaël Pelletier
Diplômé de l'Université d'Ottawa en philosophie (baccalauréat, maîtrise et scolarité de doctorat), Pierre Raphaël Pelletier a notamment été critique d'art, recherchiste, professeur et directeur de l'éducation permanente de son alma mater. Depuis 1975, il a publié une quinzaine de livres (recueils de poésie, romans et essai), dont l'essai Petites incarnations de la pensée délinquante (L'Interligne, 1994), Il faut crier l'injure (Le Nordir, 1998), roman pour lequel il a reçu le prix Christine-Dumitriu-Van-Saanen et le Prix du livre d'Ottawa-Carleton 1999 et le recueil de poésie Même les fougères ont des cancers de peau (Le Nordir, 2002). Ses peintures, dessins, sculptures et objets hétéroclites ont servi à illustrer de nombreux livres et ont été exposés à une cinquantaine de reprises (seul ou en groupe) principalement au Québec et en Ontario. Intimement liée à son œuvre créatrice, son action de militant en faveur de la reconnaissance des arts et de la culture du Canada français en a fait un redoutable interlocuteur qui a occupé toutes les tribunes et a été de tous les combats. Sa verve et sa ferveur lui ont permis d'occuper les fonctions de porte-parole et de président de grands lobbies artistiques de la francophonie canadienne, dont un passage remarqué à la Fédération culturelle canadienne-française. En 1997, Pierre Raphaël Pelletier a reçu le Prix du Nouvel-Ontario pour l'ensemble de son œuvre et, en 2003, la Conférence canadienne des arts lui remettait son Diplôme d'honneur, attestant sa contribution exceptionnelle à la vie culturelle du Canada.
Profil de l'artiste