Papier et lumières sous la surface

Texte d’accompagnement

par Maty Ralph

 

Les histoires d’un monde souterrain secret nous ont toujours intrigués. Que ça soit Indiana Jones ou l’émission Planet Earth de la BBC, notre appétit pour le mystère sous la surface est reflété sans cesse dans les mondes de l’art et du divertissement. Dans Nouveaux Troglodytes, Philippe Blanchard nous apporte un peu plus loin en nous accordant un contexte dépourvu de narration où nous sommes encouragés à explorer nos fantaisies d’obscurité et de profondeur.

Ça commence avec les formes. Si les stalactites et stalagmites sont des choses banales aux yeux des spéléologues, elles représentent pour le commun des citadins un portail vers un monde qui active l’appel primordial à l’exploration. Blanchard sait comment faire appel à ce désir; il dose parfaitement la forme, la lumière et le paysage sonore. S’il nous offrait un excès de détails, le monde qu’il a créé risquerait d’être trop éclatant, trop vif et par conséquent, trop petit. Ainsi, il utilise les principes du minimalisme afin d’accorder au public les outils nécessaires pour créer eux-mêmes leur propre histoire.

Les mystères à l’époque moderne sont de plus en plus difficiles à trouver. Par exemple, nous pouvons maintenant analyser la topographie d’une lune de Jupiter grâce aux satellites, et soudainement la surface de la planète Terre nous semble, en comparaison, bien moins intéressante. Alors on s’aventure sous la surface, où l’ancien inconnu évite encore, pour le moment, le regard perçant de l’ère numérique.

Blanchard fait son appel le plus astucieux au contraste en dressant un lien entre le numérique et l’ésotérique. Il a construit un monde de pierre, de mousse et de noirceur avec que du papier, des pixels et de la lumière. Alors que les cônes animés clignotent et bourdonnent, et que les paysages sonores électroniques résonnent et se répercutent, l’espace est enveloppé d’un joyeux brouillard de contradictions. Un hybride avenir/histoire est formé, où les apparences sont trompeuses et la seule certitude qui demeure est la conviction qu’on se retrouve loin de la surface.

Et c’est là que, secrètement, nous voulons être : où la puissance des mystères n’est pas diminuée puisqu’on n’arrive pas encore à les résoudre.

Après tout, nous croyons que la caverne fut le lieu de naissance de l’art. Les premières galeries se retrouvent dans le monde souterrain, où les images sur les murs cherchaient à comprendre le monde à l’extérieur, un monde où tous les phénomènes échappaient encore à l’explication et où tout était encore extraordinairement énigmatique.

Maintenant, à l’époque de l’information, la galerie se doit d’accueillir la caverne. Nouveaux Troglodytes est un retour passionné vers le genre d’espace où nous pouvons, une fois encore, explorer les incalculables derniers secrets du monde moderne.