Ann Beam : Express Wagon
1 mars, 2014
Texte d'accompagnement
par Paulette Gagnon
À la galerie Neon Raven d’Ann Beam, au cœur de la nation M’chigeeng sur l’Île Manitoulin, le tableau des chutes Bridal Veil nous accueille de façon magistrale, occupant tout un mur de la grande salle. Intitulée At the Horse Washing Waterfall (2011), ses chutes en écorce de bouleaux et acrylique contrastent avec le paysage rocailleux qui les entoure, lui-même composé d’écorces rugueuses et sombres de cèdre.
L’univers d’Ann Beam est parsemé de globes terrestres, d’auras arc-en-ciel, de ciels étoilés, de chevaux et de caribous sur fond d’aurores boréales, contrastant avec des œuvres-constats de nature politique, exprimant des préoccupations sociales et environnementales, telles que Earth Incorporating (2010) et Maude Barlow (2011). Ces tableaux présentent, par transfert photographique, des coupures de presse, des logos corporatifs et autres icônes, devenant artéfacts de notre époque.
Au cours des dernières années, l’artiste travaille avec le carton industriel dont elle expose parfois la chair ondulée ou le déchire et le superpose pour ensuite recouvrir d’acrylique cette surface inégale, la transformant en paysages mouvants. Le vocabulaire visuel de ce matériau, les flèches, symboles et instructions, s’insère parfois dans l’œuvre, éclairant son intention ou la commentant avec ironie.
Plusieurs œuvres font appel à une fenêtre qui « holds an alternate possibility, a threshold, a space that draws curiosity ». Cette fenêtre est aussi présente dans son processus créatif. « There is a visionary interspace… prior to thought. It’s a liminal area of image and archetype, where the subtle components appear prior to creation »(1). Assise chez Frank’s en octobre dernier, en parlant de Mystery Into the Light (2010), les yeux mi-clos, elle se remémore la naissance de ce tableau. « In my heart window, the horses were barrelling! ».
Se rapprochant du chaman, Ann Beam s’abandonne pour donner corps aux visions qui émergent en elle, messagère d’un monde où tout est un, d’un monde meilleur et possible, si seulement nous ouvrons la fenêtre en chacun de nous.
[1] Toutes les citations sont d’Ann Beam.